Sur le projet d'extension du golf de la vallée de Planchetorte à Brive.

Nous avons appris ce projet en début d'année et notre association naturaliste «  le Jardin sauvage du riant Portail »  qui étudie plus particulièrement le territoire de Brive a voulu connaître l'impact que pourrait avoir cette extension du golf de Brive pour la vallée de Planchetorte et pour la biodiversité de Brive.

L'extension est prévue en amont du golf actuel et s'étendrait sur le fond alluvial de la vallée jusqu'au moulin occupé pour l'instant par un jeune ménage, assez près du virage de l'ancienne N 20 qui enjambe le ruisseau de Planchetorte avant de se diriger vers Noailles.


La vue aérienne de la vallée de Planchetorte en amont du golf actuel en haut à gauche et près de l'ancienne N 20 que l'on voit avec ses virages en haut à droite. J'y ai rajouté les éléments essentiels pour comprendre et situer le reste de l'article.


Avec le CREN (Conservatoire Régional des Espaces Naturels) nous travaillons depuis l'an dernier sur le territoire de Brive pour déterminer les zones prioritaires dans le projet de Conservation des espaces naturels remarquables de Brive et ceci après quelques années de relevés botaniques.

Ces prairies de fond de vallée rentre dans le premier niveau de préservation que nous avions élaboré, le niveau la plus global qui permet un continuum de la biodiversité, du patrimoine préhistorique et des paysages de la commune.

Malgré cela cette zone nous était mal connue, et avait échappé à une investigation approfondie.
J'avais parcouru cette vallée deux fois durant les trois ans d'exploration de Brive, l'été quand les herbes hautes ne permettent pas d'appréhender la logique de fonctionnement de ces prairies et d'apercevoir le marécage, quand on chemine par exemple par l'autre rive
du ruisseau de Planchetorte.

Ayant pris connaissance du projet d'extension du golf et dans le souci d'avoir un avis plus satisfaisant sur l'intérêt de cette zone, nous avons parcouru plusieurs fois cette zone depuis le printemps de cette année.


Le marais et un drame  : Le tout nouveau Myrtil est la proie d'une Thomise sur la Centaurée jacée.


La première fois le 27 avril, j'ai vu cette zone avec Mathieu Bonhomme du CREN qui travaille plus précisément sur le projet de préservation et l'on a pu remarquer :
Concernant la longue prairie au sud du ruisseau de Planchetorte et délimitée par les escarpements des versants de Chabannes nous avons constaté un vrai marais bien pourvu en eau  par les suintements et par un ruisseau descendant du vallon s'ouvrant depuis Chabannes et la pente nord du Puy Lenty, avec une hauteur variable d'eau de 5 à 30 cm, après une période relativement sèche de près d'un mois (24,7 mm d'eau tombé à Brive en avril 2010 d'après les relevés de Météofrance)


Une vue du marécage prise le 25 mai 2010 (au fond le moulin que l'on ne voit pas sur ce cliché).

Ce marécage adossé aux premiers escarpement du coteau de Chabannes est légèrement en dépression par rapport au centre de la vallée entaillé par le lit profond (2 à 3 m ) du ruisseau de Planchetorte.
Il occupe une bonne partie de la bordure sud de la grande parcelle et semble plus étendu que les relevés que j'ai pu constaté sur les plans que l'on l'a pu consulter par ailleurs.

Ce marais évacue son trop plein par un ruisselet superficiel aux eaux claires et prometteuses sur le plan biologique ( favorable au Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) par exemple: petit crapaud adepte des mares peu profondes et des ornières.
Ses pupilles en forme de petits cœurs sont également très caractéristiques, à n’en pas douter : il s’agit des fameux princes charmants transformés en crapauds souriants…)      =========>

Nous notons quelques végétaux caractéristiques des lieux humides et absents ailleurs sur Brive qui recèle pourtant beaucoup de fonds humides ( Caltha palustris, Carex acutiformis ( rare en Limousin avec 7 références seulement dans l'atlas des plantes et végétation en Limousin édité en décembre 2001), Lysimachia nummularia ) et bien d'autres plantes communes de ce type de zone.
On notait la présence également de Nepa cinerea (un insecte d'eau en voie de raréfaction en Europe ), le constat biologique étant restreint avec un printemps plutôt en retard. 

Nous avons effectué une visite rapide du fond du golf derrière la double rangée de peupliers qui le sépare actuellement de notre zone d'investigations et nous avons constaté l'érosion des berges du ruisseau, là où les arbres avaient été enlevés : certains petits ponts qui servaient aux golfeurs à passer d'une rive à l'autre sont déjà détruits par cette érosion.

En mai je suis retourné seul, deux fois pour poursuivre les investigations, constatant une vie biologique vraiment intéressante avec une présence foisonnante de nombreux insectes et j'ai pu prendre des dizaines de photos de différents papillons et autres insectes sur les lieux et j'ai relevé aussi une orchidée des marais: Dactylorhiza maculata.


La vie foisonnante du marais.

Un Zygène bleu métallique du genre Adscita




Dactylorhiza maculata

Au dessus : Quatre photos de divers occupants des lieux durant cette courte période.

Nous pouvons observer dans cette parcelle entre marais et prairie plus sèche, la plus belle diversité certainement sur Brive pour ce genre de fonds humides et ceci malgré les conditions météorologiques souvent peu propices de cette année.

 
Vue ( flèche orange 1 sur vue aérienne) depuis le bout de la prairie avant la clôture qui la sépare du moulin : au fond on distingue les peupliers qui séparent cette prairie de l'actuel golf, le marais est adossé à la pente boisée du versant de Chabannes vers la gauche de la photo est peu visible : on remarque simplement la couleur plus foncé de la végétation, à droite les arbres autour de l'entaille profonde du lit du ruisseau de Planchetorte que l'on ne voit donc pas.
 
La seconde semaine de juin, Brive et le département de la Corrèze ont subi des intempéries continues pendant quatre jours qui ont cumulées 137 mm d'eau sur la ville  et j'en ai profité pour me rendre dans le marais le vendredi 11 juin alors que la pluie avait cessé.

Les relevés de pluviométrie en mm de Météofrance sur Brive pour cette période:

mardi 8 juin 2010 65,7
mercredi 9 juin 201024,7
jeudi 10 juin 201030,2
vendredi 11 juin16,8

Pour illustrer le fait que l'on peut avoir des différences d'un lieu à l'autre : j'ai noté pour le troisième orage parmi les 11, qui se sont abattus sur Estivaux durant la journée du jeudi 10 juin : 61 mm en 45 minutes environ et 84 mm pour toute la journée (à comparer avec les 30,2 mm de Brive).


Sur le graphique ci-contre résumant la crue de la Corrèze à Brive pendant la seconde semaine très pluvieuse de ce mois de juin 2010 , on peut voir que nous sommes malgré tout loin des crues de référence et que la Corrèze est vite revenue dans une hauteur habituelle, d'ailleurs on voit aussi qu'elle était dèjà particulièrement basse avant cette épisode pluvieux : un état qui se remarquait aussi par la sécheresse des zones
de suitement  où l'on trouve habituellement le cortège floristique sur les sables humides de Brive (le Cicendion) et qui cette année fait défaut pour l'instant.

On peut s'imaginer les conséquences pour des épisodes plus violents qui pourraient survenir, comme cela a eu lieu par le passé ( 2004, 2001,1992,1982, 1964).




Le fonctionnement et l'utilité de cette zone humide me sont alors apparus bien plus précisément :

Le marais a retenu un volume considérable d'eau pluviale : ( plusieurs centaines de mètre cubes ?) :
les ruisselets superficiels avaient malgré tout leurs eaux assez claires, troubles seulement alors que celles  du ruisseau de Planchetorte étaient foncées, chargées de sédiments bruns; ces ruisselets s'étendaient dans des zones que l'on considérait hors marécage , sur la partie de la prairie plus séche à graminées et centaurées jacées.


On peut juger de la hauteur de l'eau dans cette zone de la prairie qui n'appartient pas au marais où je me suis peu aventuré ce jour  là.

L'eau bouillonnante du ruisseau de Planchetorte au moment où il rentre dans le golf actuel.

Une majeure partie de la parcelle située entre le moulin et l'actuel golf sert de régulateur pour les eaux provenant de l'amont par
ses différentes capacités:
  • en retenant et en absorbant une partie des eaux sur une grande surface qui dépasse la fonction naturelle du marécage,
  • en ralentissant le courant  des eaux par les hautes herbes,
  • en filtrant les eaux chargées et en fixant les sédiments localement ce qui soulage l'accumulation de ceux-ci en aval.


Vue (flèche orange 2 sur vue aérienne)  prise assez près de la rangée de peupliers vers le moulin qu'on aperçoit au fond, je suis dans la zone que l'on considérait plutôt sèche. La photo avec mes bottes dans 10 à 12 cm d'eau a été prise aussi à cet endroit , les herbes sont couchées  dans le sens du courant qui a emmené le trop plein sans dégâts avec le filtrage des hautes herbes vers le ruisseau de Planchetorte à proximité .

Vous constaterez dans la série de clichés qui suit,  pris ce même jour, juste de l'autre côté des peupliers que les berges du ruisseau dans le golf actuel avaient subi une forte érosion à de nombreux endroits durant ces jours de pluie.
Ci-dessus : la vue montre l'état de la route desservant Chabannes qui passe sur le coteau boisé au sud du marais à seulement  quelques dizaines de mètres du moulin.

Le bas côté  a été emporté sur une dizaine de mètres durant les intempéries de ce début juin illustrant ainsi la fragilité du milieu et surtout de ces pentes siliceuses de toute la vallée de Planchetorte qui connaît un relief tourmenté.


Ci-contre :
En amont du golf : c'est à dire dans la  parcelle renfermant le marais, les berges qui sont restées boisées n'ont pas subi d'érosion : j'y ai juste remarqué un arbre abattu en travers du lit de la rivière.


Cette zone humide participe à l'entretien de la remarquable biodiversité du territoire de Brive qui est constitué pour une bonne part de terrains siliceux : plus ou moins sableux qui absorbent et filtrent rapidement les eaux de pluie et dont la microfaune associée a besoin en période de sécheresse (qui peuvent sévir assez longuement dans la région) de lieux ou reste une humidité importante servant alors de relai indispensable pour perpétuer cette diversité.


Comme tout bon contribuable briviste on peut s'inquiéter du coût des aménagements initiaux pour faire de ce marais et de cette prairie humide, un parcours adapté aux exigences des golfeurs mais également des coûts d'entretien et de réhabilitation qui ne manqueront pas de survenir après des intempéries certainement plus sévères que celles de cette semaine de juin, qui séviront  sur notre région, ce que l'histoire rend fort probable quand on sait que l'on a recensé 74 grandes crues pour la rivière Corrèze entre l'époque de la Révolution française et 1968 ( tiens encore une révolution! ).

Voici quelques dates mémorables :
  • Septembre 1921 : L'usine à papier d'Aubazine est détruite. La Corrèze atteint 3,56m à Brive,
  • 5 et 8 décembre 1944 : La Corrèze atteint 3,75m à Tulle,
  • 3-4 octobre 1960 : cette crue touchera 132 communes. La Corrèze atteint 5,43m à Tulle et 5,15m à Brive
  • 18 avril 1964 : Crues simultanées de la Vézère et de la Corrèze
  • 4 juillet 2001 : Tulle, Malemort et Brive sont inondées après des pluies diluviennes.

Ce 11 juin, j'ai pu photographié sur cette parcelle le Cuivré des marais femelle (Lycaena dispar = Thersamolycaena dispar) : un  papillon protégé nationalement .


Le Cuivré des marais est un papillon de jour de la famille des Lycénidés qui se développe dans les prairies hygrophiles, principal habitat de cette espèce.Ce petit papillon a une envergure d'environ 4 cm, le dessus de ses ailes est rouge orangé uni pour le mâle et avec de nombreuses taches noires pour la femelle. Cette espèce est typique des marais et des prairies humides ou inondables de plaine.

Ce papillon, protégé en France et en Europe, est menacé par l'intensification de l'agriculture (apports d'engrais dans les prairies, pâturage intensif, drainage, reconversion des prairies en cultures ou en plantations de peupliers...), par la déprise agricole (abandon de l'élevage qui conduit à la disparition des prairies par boisements naturels) et par la destruction de ses habitats (gravières, remblais, urbanisation...).

Les mesures de conservation favorables au Cuivré des marais consistent en l'amélioration de l'hydromorphie de prairies humides favorables et dans le maintien des milieux ouverts dans les zones humides où il est présent, que ce soit par la fauche des prairies (une fauche annuelle) ou par un pâturage extensif. Les herbivores domestiques les mieux adaptés pour entretenir les milieux abritant ce papillon sont les équins. En effet, ils ont la particularité de laisser de nombreuses plantes à fleurs appréciées par les imagos telles que les Renoncules ou les Menthes et de ne pas consommer les Oseilles sauvages qui sont les plantes hôtes de sa chenille.

Espèce protégée au niveau national par l'arrêté du 22 juillet 1993 fixant la liste des insectes protégés sur le territoire national (J.O. du 24 Septembre 1993).
Espèce figurant aux annexes II et IV de la Directive Habitats (Directive 97/62/CEE du Conseil du 27 octobre 1997 portant adaptation au progrès technique et scientifique de la Directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et de la flore sauvages). Annexe 2 : Espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation.
Espèce inscrite à l'annexe II de la Convention de Berne, avec une priorité pour l'élaboration de plans d'actions nationaux.



La prairie humide du moulin : un lieu accueillant pour le papillonnage et ... la reproduction.

Toutes les photos ont été prises dans cette partie de la vallée de Planchetorte entre le 27 avril et le 11 juin 2010, sauf la photo  libre du Sonneur à ventre jaune, issue du Web.


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DG : Page actualisée le 19 juin 2010