Du chapeau du diable au pas de cheval
En revenant de l'excellent exposé présenté le samedi 13 mars par Hervé Covès sur l'environnement de la truffe noire
à Perpezac le Blanc  ( à Perpezac le Noir peut-être aurait-on parlé de la truffe blanche ),  on a pu apercevoir cette belle plante
rarement mentionnée en Limousin, vers le sud de la butte d' Yssandon, sur une zone de suintements.


Le Pétasite officinal

Le Pétasite officinal  (= Pétasite hybride, Pétasite vulgaire) possède de nombreuses appellations populaires :
Chapeau du diable, Chapelière, Herbe à teigneux, Herbe-à-la-peste, Rhubarbe des marais, Grand pas d'âne.
Son nom scientifique est : Petasites hybridus Gaertn.  (= Petasites officinalis  Moench;  Petasites vulgaris  L.),
il appartient à la famille des Asteraceae ou des Composées comme de nombreuses espèces dont les les marguerites, pissenlits, etc
C'est une vivace herbacée dioïque rhizomateuse couvre-sol à la base souvent pourprée, touffe dressée, évasée.
Le feuillage est caduc, vert mat à revers laineux et grisâtre et les très grandes feuilles peuvent atteindre 50 cm à 1 m,
sont  cordiformes à marge irrégulièrement dentelée et pourvues d'un long pétiole.
La floraison a lieu au début du printemps (mars-avril) au ras du sol avant les feuilles, en grappe ovoïde (10 à 25 cm)
 composées de petits capitules femelles ou mâles réunis en pannicules au parfum vanillé.  
La répartition de l'espèce s'étend en Afrique du Nord, Asie occidentale, Asie du sud-est  et  Europe dans les lieux humides,
 berges des cours d'eau, ravines, sous bois, dans les zones alluvionnaires jusqu'à l'altitude d'environ 1200 m.

Son nom  Petasites vient du grec 'petasos' mot qui désigne un chapeau de feutre à larges bords que portaient les pâtres grecs,
 ce chapeau à larges bords se nomme aussi en français un pétase, ce n'est pas un hybride et ceci malgré le nom spécifique hybridus.

 Les immenses feuilles de l'arbuste étaient également employées pour envelopper les mottes de beurre pour les protéger
de la chaleur et de l'humidité.

Propriétés et utilisations :
Attention, le pétasite contient entre autre des alcaloïdes de pyrrolizidine qui sont hépatotoxiques, mutagènes pouvant être carcinogènes,
dont le  taux est variable dans la plante fraîche. La présence de pyrrolizidine dans des préparations pharmaceutiques a provoqué chez
des patients des lésions hépatiques irréparables. Suite à ces quelques cas, en 2004, des pays d'Europe ont retiré du marché quelques
 spécialités médicamenteuses contenant de l'extrait de pétasite. Par sécurité, des recommandations écrites de surveillance d'apparition
 de symptômes (douleurs au niveau du foie, nausées, vomissements, jaunissement du teint, ..) ont été rendues obligatoires et figurent
 sur les produits.
Des feuilles, racines et rhizomes est extraite une huile essentielle utilisée en phytothérapie aussi et entrant dans des préparations
pharmaceutiques (extrait détoxifié) pour traiter notamment les rhinites de type allergique (rhume des foins).
Son rhizome est aussi riche en pétasine et isopétasine (composée de sesquiterpènes qui seraient nettement plus actifs que la papavérine)
 aux propriétés analgésique,  antiparasitaire, anti-inflammatoire, antispasmodique, antihistaminique, astringente, sédative et  sudorifique,
 elle entre d'ailleurs dans des préparations pour traiter les migraines qui sont en cours d'études cliniques dans plusieurs pays.

Dans les pharmacopées traditionnelles, les feuilles étaient couramment utilisées en cataplasme  pour nettoyer et favoriser la cicatrisation
 des plaies et ulcères, soigner les brûlures mais aussi pour traiter les crise de goutte et la teigne.
Les fleurs, elles ont des propriétés pectorale et sudorifique, diurétique (présence d'inuline), emménagogue (régule les règles) prescrites
 depuis la nuit des temps pour traiter les affections des voies respiratoires, comme la toux et l'asthme.


Le Tussilage


Le Tussilage (Tussilago farfara) ou Pas-d'âne est une aussi une espèce de la famille
des Asteraceae (Composées) et la seule espèce encore acceptée du genre Tussilago,
 très proche dans la systématique du Pétasite précédent.
Il possède également de très nombreux noms populaires : Pas d'âne, Pas de cheval,
 Pied de baudet, Pied de poulain, Chasse-toux, Taconnet, Herbe de Saint- Quirin ou
 de Saint-Guérin, Procheton, Plisson, Béchion, Racine de peste, Chou de vigne.

C'est une plante vivace à rhizome rampant, charnu, rameux.
 Elle est typique des sols instables riches en bases : terrains vagues et remués.
Elle fait partie des plantes pectorales les plus utilisées en phytothérapie.

Les feuilles, longuement pétiolées, arrondies, en forme de cœur, dentées,
blanchâtres dessous, vert clair dessus,
groupées en partant du rhizome, n'apparaissent qu'après la floraison.
 Les fleurs, visibles de février à avril, groupées
en capitules solitaires à l'extrémité des tiges florifères, sont recouvertes d'écailles
 rougeâtres et cotonneuses.
Les fruits sont des akènes oblongs surmontés d'une aigrette blanche comme
chez le Séneçon.
Autrefois, appelée Filius ante patrem, le "fils avant le père"parce qu'elle a la
 particularité de fleurir bien avant la feuillaison.

Tussilago farfara est une plante eurasiatique. Il aurait été importé dans les
Amériques par les colons européen
 en tant que plante médicinale et  a dans ces contrées un comportement invasif.
En France, le tussilage est assez commun mais manque ça et là,
en Corrèze il ne se rencontre pas facilement.

Le tussilage est une espèce héliophile et pionnière, sociale (souvent trouvée en groupes)
et dans un premier temps éliminatrice de la concurrence, mais moins que le pétasite qui peut former 100 % de la couverture
végétale sur les bords de fossés où il s'est implanté. Le tussilage apprécie les sols pauvres en humus, riches en bases
dont le pH est basique à très légèrement acide. Il apprécie les sols constitués de limons ou d'argile,
assez frais voire avec des ruissellements.

La présence de tussilage indique des sols rapportés ou des sols instables
 (risques d'effondrements ou de glissements de terrain).
Ces sols mouvants sont régulièrement constitués de poches d'eau dans le sols ou la roche mère.
Il ne faut y construire ni habitations ni routes, particulièrement s'il est associé à la Grande prêle (Equisetum telmateia).

Pour ses capacités de pionnières, le tussilage est cultivé comme fixateur des sols fraichement remués.
Cette capacité de fixation fait l'objet d'un dicton : « Arrache le pas-d’âne à la Saint-Eusèbe, il ne sortira plus jamais de la glèbe »

Tussilago farfara est cultivée en tant que plante ornementale. elle est utilisée comme plante alimentaire et médicinale :
 adoucissant,  émollient,  anti-tussif et  expectorant.

Les feuilles du Tussilage teignent la laine en jaune-verdâtre avec de l'alun et en vert avec du sulfate de fer.
La cendre des feuilles séchées et brulées était un succédané du sel. Elle a été utilisée comme condiment.

Le Tussilage est un succédané passable du tabac. Il est conseillé de laisser fermenter les feuilles après les avoir empilées
 puis de les sécher. Botan (1935) conseille aux fumeurs un mélange à part égale de feuilles sèches de tussilage,
de marronnier et d'aspérule odorante : les faire macérer dans de l'eau fortement sucrée au miel.
Les refaire sécher, les comprimer et les découper finement comme du tabac.
Deux parties de ce mélange ajoutées à une partie de tabac ordinaire compose un mélange à fumer délicat.
Fumées, les feuilles de tussilage sont conseillées par P. P. Botan contre l'asthme et le coryza.


Les fleurs apparaissant abondamment au mois de février en plaine, elles constituent un apport non négligeable en pollen pour les abeilles.
En effet, cet apport conséquent leur permet de développer leur couvain, les autorisant alors à sortir de leur léthargie hivernale.
Ce pollen est de couleur orangé à brun. Le Tussilage ne produit ni nectar, ni propolis à la différence de beaucoup de plantes mellifères

Plusieurs espèces de larve de lépidoptère se nourrissent du Tussilage, dont les Gouttes de sang (Tyria jacobaeae) de la famille des Arctiidae.

 
la Goutte de sang , un papillon qui n'est pas classé dans les "diurnes", mais qu l'on repère facilement le jour par sa couleur vive, sa chenille se rencontre
 facilement sur le Sénéçon jacobée une plante commune autour de Brive.



Renseignez-vous auprès de ce charmant couple de koropokhurus si vous
 n'avez pas encore fumer le tussilage: (attention  la dame ne semble pas
 très commode: baton à la main et poing fermé) .


Promeneur solitaire et égaré en recherchant  le pétasite ou le tussilage,
 vous pourrez toujours invoquer les coropocourous pour retrouver votre chemin !



Les Koropokkuru ( homme sous les pétasites en langue aïnoue ) sont des "lutins" de la mythologie aïnoue, population aborigène vivant au nord du Japon et à l'extrême est de la Russie.

 Ces êtres mythologiques habitent sous terre et dans les tiges des feuillages du tussilage et des pétasites. De la taille d'un pied d'enfant, ces "lutins" sont à proprement parler des kamuys ("esprits" en langue Aïnue) végétaux.

Établis dans les forêts, ils apparaissent au voyageur perdu pour le guider sur sa route.


Haut de page Page actualisée le 13 mai 2010 ; DG